Au Cameroun, nul besoin de passer par une agence chic pour voyager. Généralement, les agences de voyages ne sont pas des endroits feutrés avec fauteuils en cuir et café gratuit. Non, ici, c’est une expérience multisensorielle. À la gare routière, chaque départ est un miracle et chaque arrivée, un témoignage. À l’entrée, c’est la jungle : cris, klaxons, vendeurs de cacahuètes et prêcheurs improvisés se battent pour ton attention. Un monsieur surgit de nulle part, t’attrape le bras : “Tu vas où ? Bafoussam ? Viens, on part maintenant !” Sauf que “maintenant”, c’est un concept élastique. En réalité, le bus ne part que quand tous les sièges sont remplis – y compris ceux créés spontanément avec des seaux renversés. Et à l’intérieur du bus ? Quelle ambiance ! Du gospel à plein volume, un bébé qui pleure, un vendeur qui grimpe pour te proposer des médicaments contre des maladies que tu n’as même pas. Ton voisin transporte trois poulets vivants, un téléviseur cathodique et une douleur chronique au genou gauche… qu’il partage généreusement avec toi. Et attention : si tu demandes la clim, on te montre la vitre. Si tu oses te plaindre du retard, on te répond : “Mon frère, ce n’est pas l’avion ici.” Le chauffeur, lui, est un chef d’orchestre. Il parle au téléphone, mange un beignet, négocie une cargaison de manioc, tout en slalomant entre les nids-de-poule. Sa devise ? “Dieu conduit.” Rassurant. Ou pas. Mais il faut leur reconnaître une chose : malgré l’anarchie ambiante, les gares routières fonctionnent. Le voyage est long, bruyant, imprévisible… mais tu finis toujours par arriver. Avec un peu de chance, au bon endroit. Et, dans le meilleur des cas, avec tous tes sacs.