Loin des vitrines débordantes de fournitures scolaires, les orphelinats du Cameroun s’organisent tant bien que mal pour préparer leurs pensionnaires à la reprise des classes.
Il faut quitter la grande route, emprunter un sentier étroit et boueux, puis bifurquer à droite pour découvrir l’orphelinat Sainte Ritha d’Etam-Bafia. Là, dans la petite cour, un petit garçon en maillot jaune joue avec ses amis. Dans sa main, un pain au chocolat à moitié grignoté. Un visiteur s’amuse à le taquiner: « profites-en, bientôt l’école recommence, tu ne pourras plus manger du pain à n’importe quelle heure! » Le garçon rit aux éclats, avant de répondre avec légèreté: « Oui, je sais… bientôt, on va recommencer à mettre le pain sec dans le sac ».
À l’approche de la rentrée, les orphelins de Sainte Rita (comme tant d’autres ailleurs) n’ont pas les mêmes préparatifs que les autres enfants. Ici, pas de cahiers flambant neufs, pas de cartables dernier cri.
Les fournitures scolaires arrivent au compte-gouttes, souvent grâce à quelques dons de paroisses, d’associations, de bienfaiteurs de passage ou aux initiatives des encadreurs de l’orphelinat. Nicolas Njayik, encadreur sur place, explique : « Quand le budget est limité, les fournitures des aînés sont souvent transmises aux plus petits.
C’est un moyen de s’assurer que chacun ait au moins l’essentiel pour suivre les cours ». Pour ces enfants, la rentrée scolaire n’est jamais acquise : À Sainte Rita, la plupart rejoignent les écoles publiques des environs, moins coûteuses. Quelques-uns sont orientés vers des établissements confessionnels, lorsque des parrains prennent en charge leurs frais.
Mais pour beaucoup, le choix ne relève ni du projet éducatif ni du rêve de l’enfant : il dépend uniquement de ce que l’orphelinat peut payer.
Eau Vive, autre centre, même réalité
À plusieurs kilomètres de là, un autre centre d’accueil raconte la même histoire avec ses propres réalités. Le Centre d’Accueil Eau Vive abrite aujourd’hui 82 enfants. Soixante vivent en interne, dont 34 seront inscrits à l’école cette année.
Sept sont encore trop jeunes, un sourd-muet suit une scolarité adaptée, et un nouveau-né, abandonné peu après sa naissance en juillet dernier, attend de grandir assez pour rejoindre les bancs de l’école. Dans la cour, deux adolescentes s’activent autour de la cuisine, pendant que des garçons improvisent un match de foot avec un ballon rafistolé.
À l’écart, un enfant recolle les pages d’un livre de mathématiques usé : son « nouveau livre » pour la rentrée, puisqu’il passe en classe de 5eme. « Notre mission est de leur donner à la fois un cadre spirituel et scolaire », explique Kameni Sara, promotrice de centre d’accueil. « Mais chaque année, au moment de la rentrée, nous faisons face à la même difficulté : comment assurer à chacun une éducation digne alors que nos moyens sont limités ? ».
Selon des chiffres du ministère des Affaires Sociales, le pays compte plusieurs dizaines de milliers d’enfants orphelins ou vulnérables, dont l’accès à l’éducation reste fragile. « Les aides de l’État existent, mais elles peinent à couvrir tous les besoins. Parfois ils s’arrêtent justes à des dons alimentaires ou sanitaires. Mais en ce qui concerne la scolarité des enfants rien n’est régulier.
Et même quand ça arrive ça provient plus des ONG, des donneurs indépendants etc » Dans ce contexte, la solidarité reste souvent le dernier filet de sécurité. Pourtant, malgré la précarité, l’envie d’apprendre demeure intacte. « Moi je veux aller à l’école pour réussir dans ma vie », confie Rita Ngono, 12 ans. « Comme ça, je pourrai aider d’autres enfants qui n’ont pas de parents. »