Dans l’imaginaire collectif, l’Occident reste un eldorado. Pour beaucoup de jeunes Africains, c’est la promesse d’une vie meilleure. Et pour atteindre cet idéal, certains sont prêts à tout.
Ils sont dans la vingtaine, ont trente ans parfois à peine. Dans leurs téléphones, les notifications de leurs « fiancés » étrangers résonnent à tout va. À Yaoundé, Douala, ou Bertoua, des jeunes femmes et hommes s’engagent dans des histoires d’amour improbables, souvent avec des partenaires beaucoup plus âgés, qu’ils ne connaissent que par écrans interposés. Derrière ces unions se cachent rarement des contes de fées mais plutôt la pression familiale, et la promesse d’un passeport européen ou américain sésame pour « réussir sa vie ». Ce phénomène n’a rien d’anecdotique.
Il mêle émotions, calcul et désespoir. On y croise des jeunes qui jurent aimer sincèrement leurs conjoints étrangers, d’autres qui assument ouvertement leur « union de papiers ». Et puis, ceux qui tombent dans le piège d’une relation abusive, dépendante ou humiliante. Dans ce trafic d’affection où chacun croit tirer profit de l’autre, tout le monde finit souvent perdant. Sur les réseaux, les témoignages abondent : « Je n’étais pas amoureuse, mais j’étais fatiguée de souffrir. Lui, il voulait juste une compagne.
On s’est entendus. » Trois ans plus tard, elle vit en Europe, séparée mais régularisée. D’autres racontent avoir subi des violences, des menaces de dénonciation ou des chantages affectifs. Beaucoup se terrent dans le silence : après tout, ils ont « ce qu’ils voulaient », ils sont en « mbeng ». Mais partir n’est pas toujours synonyme de s’en sortir.
La plupart découvrent un quotidien difficile, parfois humiliant, loin des clichés de réussite véhiculés sur les réseaux. « Là-bas, tu ne dors pas sur un lit de billets. Tu travailles sans relâche, souvent pour envoyer de l’argent à ceux qui t’ont poussé à partir », glisse un jeune Camerounais installé en Belgique.
Au fond, ces départs ne disent pas seulement la fascination pour l’Occident, mais surtout la soif d’une vie décente, d’une chance. Dans un contexte où les perspectives se réduisent, l’exil devient une promesse de respiration. Les « papiers », pour beaucoup, ne sont pas une fin en soi, mais un moyen d’espérer, de croire encore que quelque part, une vie meilleure est possible.