Journaliste en service au quotidien La Nouvelle Expression, il a défendu samedi 2 août 2025, à l’université de Douala une thèse de doctorat consacrée à une question aussi sensible qu’actuelle : le traitement médiatique de la crise anglophone au Cameroun.
Intitulée « Les postures énonciatives du discours dans le traitement médiatique de la crise anglophone : analyse néostructurale des quotidiens Cameroon Tribune et La Nouvelle Expression », cette recherche de 330 pages, élaborée sur cinq années, plonge au cœur des mécanismes discursifs mobilisés par les médias camerounais pour parler de cette crise sociopolitique qui secoue le pays depuis 2016. Dans un travail structuré en trois parties et neuf chapitres, le doctorant s’est intéressé aux différentes manières dont les journalistes se positionnent dans leurs récits.
Il a analysé les postures de coénonciation (partage du point de vue avec le lecteur ou d’autres locuteurs), de surénonciation (affirmation de soi comme détenteur de la vérité) et de sousénonciation (suggestion implicite sans dire clairement les choses), telles qu’elles apparaissent dans les articles publiés par Cameroon Tribunemédia d’État etLa Nouvelle Expression, média à capitaux privés. À travers cette analyse comparative, Panisse Istral Fotso met en évidence l’impact des contraintes éditoriales, des appartenances institutionnelles et des contextes d’énonciation sur le traitement de l’information. « Les postures ne sont pas figées. Elles évoluent selon les enjeux interactionnels et la nature de la situation de communication », soutient-il.
Il montre ainsi comment les deux journaux construisent des récits qui, loin d’être neutres, sont traversés par des tensions professionnelles, des logiques de pouvoir, et des imaginaires de l’objectivité journalistique. Son travail interroge en profondeur les pratiques rédactionnelles, notamment la séparation entre faits et commentaires, l’usage de sources contradictoires, ou encore les registres de discours utilisés pour rendre compte d’un conflit qui touche aux fondements mêmes de la nation camerounaise : démocratie, libertés individuelles, cohésion sociale.
Le chercheur y décèle également les dilemmes éthiques et les ajustements stratégiques que doivent opérer les journalistes pour parler d’un sujet politiquement sensible tout en préservant une certaine autonomie professionnelle. Panisse Istral Fotso analyse, en somme, la manière dont la presse écrite participe à la construction des représentations collectives autour de la crise anglophone, entre impératif d’informer et logiques de prudence dictées par les contextes politiques.
Parcours du candidat
Titulaire d’un doctorat en langue française et linguistique, Panisse Istral Fotso est chargé de travaux dirigés au département de français et d’études francophones de l’université de Douala. Enseignant de français dans les lycées et collèges, il est également journaliste, secrétaire de rédaction au quotidien La Nouvelle Expression, et reporter à Équinoxe Télévision. À travers cette thèse, il contribue à la fois à l’avancement des recherches en linguistique discursive et à une meilleure compréhension du rôle critique et parfois ambivalent des médias dans un contexte de crise prolongée.