Le ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana, a présidé le 23 juin dernier, une réunion de concertation avec les principaux acteurs de la filière bétail-viande afin de fixer de nouveaux tarifs. Mais sur le terrain, la réalité est toute autre.
Yaoundé, marché d’Ekounou, 24 juin 2025. Il est 9h. Marie, mère de cinq enfants, fixe longuement un morceau de viande suspendu à un crochet. « J’ai entendu ce matin à la radio que les prix ont été revus à la baisse, mais ici, quand je demande au boucher, il me dit que rien n’a encore changé », lâche-t-elle, déçue. Au marché de Mvog-Mbi, le kilogramme de viande avec os se vend encore entre 2 800 et 3 000 francs CFA, selon la capacité de négociation du client. « J’ai évoqué le communiqué, le boucher m’a répondu d’aller acheter la viande au ministère », s’indigne Aline, une ménagère.
Une réalité qui contraste avec la décision prise par le ministre la veille. Celle-ci stipulait une application immédiate des nouveaux prix : 2 500 F CFA le kilo de viande avec os (au lieu de 3 000) et 3 000 F CFA le kilo sans os (au lieu de 3 500). Cette mesure résulte d’une concertation entre le Mincommerce, les commerçants de bétail, les syndicats, le Minepia et la Société de développement et d’exploitation des productions animales. Malgré les engagements pris lors de la réunion du 23 juin, la mise en œuvre effective de cette homologation tarde. Certains bouchers affirment n’avoir reçu aucune directive écrite ni fait l’objet de contrôle. Interrogés, plusieurs déclarent qu’ils ne peuvent vendre à perte, car leur marchandise a été achetée aux anciens tarifs, faute d’informations à temps.
D’autres pointent du doigt les intermédiaires qui, selon eux, continuent de vendre le bétail à prix élevé. Un vendeur au lieu-dit Neptune Kondengui confie : « On veut bien vendre à 2 500 F, mais si le bœuf coûte toujours cher à l’achat, on fait comment ? ». Quelques commerçants appliquent tout de même les prix homologués. Mais la vigilance reste de mise. Certains bouchers testent leurs clients en proposant l’ancien tarif pour voir s’ils sont au courant des nouveaux prix. La deuxième décision issue de cette concertation porte sur l’accélération du processus de structuration de la filière, à travers la mise en place d’une interprofession de la viande bovine, ainsi que l’installation d’un pont-bascule, pour une régulation plus rigoureuse des prix du bétail. Pour l’économiste Modeste Woumoh, ces mesures visent à réorganiser toute la chaîne du secteur bétail-viande.
« Le pont-bascule permettra de peser chaque bête avec précision, évitant les prix fixés à l’œil et donc la spéculation », explique-t-il. Il pense aussi que la création d’une interprofession de la viande bovine réunira éleveurs, transporteurs, commerçants et bouchers dans un cadre de dialogue et de régulation. « Une telle structure peut stabiliser les prix, mieux répartir la valeur ajoutée et défendre les consommateurs », souligne le Modeste Woumoh.
En attendant, les consommateurs restent les grandes victimes de cette cacophonie. Le panier de la ménagère se vide, les repas se réduisent à l’essentiel. Si le gouvernement souhaite faire appliquer ses décisions, une campagne d’inspection rigoureuse, assortie de mesures de soutien à la filière, s’impose. Pour l’instant, l’homologation ressemble davantage à une lettre morte qu’à un véritable outil de soulagement populaire.