Grâce à des formations pointues au village des Ecrans Noirs, les jeunes camerounais découvrent cet art exigeant, à la croisée du visuel et du narratif, qui façonne silencieusement la magie du cinéma africain.
Sous une lumière tamisée, et à l’ombre d’une tente, des jeunes s’affairent autour de pinceaux, de palettes de couleurs et de flacons de désinfectants. Pas de strass, ni de paillettes ici : on apprend à créer des blessures, des rides, des identités. Bienvenue dans l’un des ateliers les plus techniques du festival Ecrans Noirs : celui de la formation au métier de maquilleur de cinéma.
Derrière cette initiative, Merveille Akamba, maquilleuse spécialisée en effets spéciaux, qui a choisi le 7e art au lieu des projecteurs classiques de la beauté. « Maquilleur ou make-up artist, c’est pareil. Mais j’ai choisi le maquillage de composition, celui qui permet de raconter des histoires, de créer des personnages, de faire mourir un chef bandit à l’écran… sans le tuer dans la vraie vie », explique-t-elle avec un sourire complice. Elle forme ici une nouvelle génération d’artisans de l’image, en leur transmettant une maîtrise technique mais aussi une sensibilité artistique adaptée à notre réalité locale : culturelle, économique, humaine.
Dans cet univers, le maquillage dépasse largement la mise en beauté. Il devient un langage visuel. Il suit les mouvements de caméra, s’adapte à la lumière, raconte l’évolution psychologique d’un personnage. « On ne peut pas être maquilleur de cinéma si on ne sait pas faire de la mise en beauté, du body painting, du face painting… mais on peut faire tout ça sans être maquilleur de cinéma », précise-t-elle.
Le travail commence bien avant le premier coup de clap : lecture de scénario, dépouillement séquence par séquence, collaboration étroite avec le réalisateur, le costumier, le décorateur, le chef opérateur. Le maquilleur construit, en coulisses, l’illusion du réel. « Notre toile, c’est la peau humaine. Et avant tout, ce sont les produits d’hygiène qui sont indispensables. On passe d’une peau à une autre, on doit être irréprochables. ».
À travers une association des maquilleurs de cinéma, cette professionnelle et son équipe tissent un réseau panafricain : du Cameroun au Burkina Faso, du Congo à la France. Ensemble, ils militent pour faire reconnaître la complexité et l’importance de ce métier, encore trop souvent relégué au second plan. Leur plus grand défi ? Le financement. « C’est la principale difficulté. Les budgets sont souvent très serrés. Mais on fait avec. ».
Aux Écrans Noirs, cette formation est bien plus qu’un atelier. C’est un laboratoire de vocations, un lieu de transmission, où se construit en silence la magie visuelle du cinéma africain.