Dans presque toutes les écoles, il y a ce camarade qu’on ne connaît pas forcément par son nom, mais dont tout le monde se souvient pour ce qu’il vend.
« Donne-moi deux caramels là-bas, il y a encore des chips ? » Voilà des phrases très régulières entre les bancs des écoles. Dans les salles de classe, les rangées se transforment en allées de marché dès la sonnerie de la pause. Et parfois même avant. Sous les tables, dans les sacs, ou derrière les cahiers, une main se tend avec un sachet de chips, une autre récupère une pièce de 100 francs.
L’échange est rapide, discret et quotidien. « Je vends pour avoir un peu d’argent de poche. Mes parents ne me donnent pas toujours. Avec ce que je gagne, je résous certains problèmes personnels ou je garde pour les jours difficiles », confie Charlotte E., 16 ans, en classe de première. Les produits sont variés : bonbons, arachides grillées, caramel, œufs bouillis, croquettes, chewing-gums, beignets… Certains vont jusqu’à proposer des stylos ou des feuilles de papier millimétré.
Pour d’autres, ce sont des services comme le prêt d’un ordinateur ou l’impression de devoirs à domicile contre rémunération. Une économie souterraine s’est peu à peu installée au cœur même de l’apprentissage. Mais le business ne s’arrête pas à la diversité. Il y a aussi la concurrence. « Dans ma classe l’année dernière, on était trois à vendre des chips mais je fus la première à commencer.
Parfois, il y avait des tensions. », raconte Monique T., élève de Terminale. Cette rivalité pousse certains à innover ou à fidéliser leur clientèle en offrant des promotions : « trois beignets pour le prix de deux à la récré » par exemple. Le problème, c’est que ces transactions se font souvent en plein cours. « Les élèves sont distraits.
Pendant que je parle, d’autres sont en train de mâcher ou de troquer des biscuits », se plaint M. Essomba, enseignant d’histoire-géographie. Le grignotage pendant les leçons est devenu courant, tout comme les chamailleries liées aux ventes, parfois en plein milieu d’une explication de texte.
Pire encore, certains enseignants ferment les yeux, encouragent discrètement les meilleurs vendeurs, lorsqu’ils profitent eux-mêmes du service. Pour les chefs d’établissement, la situation devient préoccupante. « Ce n’est pas une activité formellement autorisée », explique M. Kom, chef d’établissement. Entre débrouillardise, nécessité économique et désordre pédagogique, la question reste entière : faut-il interdire ou encadrer ?