Il n’y a pas de juge, pas de greffier, pas de salle d’audience. Et pourtant, le procès a bien lieu. Silencieux mais brutal. Dans les couloirs d’un bureau, au coin d’une rue, au détour d’un repas de famille. Celui ou celle qui fait les choses différemment est sur le banc des accusés. Célibataire à 30 ans ? Coupable. Sans enfant ? Suspect. Trop ambitieuse ? Arrogante.
Les normes sociales, bien qu’invisibles, sont les chaînes les plus solides. Elles dictent qui on doit être, à quel âge, dans quel ordre. Une femme qui n’a pas encore d’enfant à 28 ans est scrutée comme une anomalie. Un homme qui ne parle pas de mariage à 30 ans est traité d’immature, voire de suspect. Il faut cocher les cases : diplôme, boulot, mariage, maison, enfants. Sinon, les murmures commencent.
Mais à quand le procès de ceux qui jugent ? De ceux qui, sans connaître une vie, une douleur ou un choix, pensent avoir le droit de condamner ? La société adore les moules. Elle y verse chacun avec la même cuillère, en oubliant que nous sommes faits de textures différentes. Le plus douloureux, c’est que ces jugements viennent souvent des proches.
Parents, amis, collègues. Pas toujours méchants, parfois même bienveillants mais maladroits, intrusifs, oppressants. On interroge, on compare, on soupire. Et celui qui ne « rentre pas dans le moule » se tait. Sourit. Se replie. Jusqu’à douter de lui-même. Mais la vie n’est pas une course de vitesse. Ce n’est pas à celui qui se marie ou fait un enfant le plus vite.
Ce qui compte, c’est d’avancer avec sens, avec choix, avec conviction. Alors, si ce procès silencieux doit continuer, que l’accusé plaide non coupable. Non coupable de vivre à son rythme. Non coupable de choisir une voie différente. Et surtout, non coupable d’être libre.