Alors que les prix du riz, de l’huile ou des œufs s’envolent, les jeunes revoient leurs habitudes alimentaires pour continuer à bien se nourrir, sans vider leurs poches.
À 24 ans, Audrey, qui vit seule depuis deux ans, n’a plus le luxe de remplir son sac de marché sans compter. « Avant, c’était facile. Mes parents m’envoyaient de quoi gérer mes courses, mais depuis que je travaille, je me débrouille seule. Aujourd’hui, je dépense environ 15 000 F pour deux semaines, et encore, c’est avec beaucoup de calculs », confie-t-elle. Du côté de Christelle, étudiante en droit à l’Université de Yaoundé II, l’inflation fait réfléchir.
« Nous sommes deux dans la chambre que nous louons, et généralement, c’est celle qui a un peu qui gère la nourriture. Ce n’est pas toujours évident, tout devient trop cher. Même l’œuf qui coûtait 65 F est à 100 F, cru », soupire-t-elle. Riz, huile, tomate, pain : tout a pris de la valeur, sauf leur budget. Dans les marchés comme dans les supérettes, la hausse des prix redessine les assiettes : « On fait avec ce qu’on a », glisse Maxime, 26 ans. Le matin, il saute souvent le petit-déjeuner. « Juste un café, et je tiens jusqu’à midi. Le reste, c’est pour le soir. »
Pour d’autres, les « deuxième mamans », ces vendeuses de beignets-haricots, riz sauté ou « eru » à chaque carrefour, sont l’alternative rapide et abordable. « Tu manges pour 500 F et ton ventre est plein toute la journée », explique Lionel, 25 ans. Mais il reconnaît que « ce n’est pas toujours propre ni sain ». Manque d’hygiène, plats trop gras : les bons réflexes disparaissent au profit du remplissage.
Manger bien, ou manger « diet » ?
Si beaucoup privilégient la quantité à la qualité, d’autres résistent : ils misent sur la santé, quitte à manger moins. Sur les réseaux, la « diet culture » s’impose avec ses smoothies, plats sans huile et régimes dits « healthy ». « J’aimerais manger sain, mais les produits bio coûtent trop cher », admet Lionel. Christelle, elle, en rit : « Je ne suis pas dans ces histoires-là. Quelqu’un va tomber affamé parce qu’il veut suivre les tendances d’Internet ? Mieux je m’empiffre ! » dit-elle, moqueuse.
Cette pression du « mieux manger » crée parfois un fossé entre aspiration et réalité. « On nous dit de faire attention à notre alimentation, mais personne ne parle du coût », ajoute-t-elle. En cette Journée mondiale de l’alimentation, une évidence s’impose : bien manger n’est pas qu’une question de volonté, c’est d’abord une question de moyens. Et si l’assiette des jeunes raconte quelque chose, c’est bien cette équation impossible entre santé, tendances et survie.