À l’occasion de la Journée internationale des personnes âgées, célébrée chaque 1er octobre, une question mérite d’être posée : quel regard la jeunesse camerounaise porte-t-elle aujourd’hui sur ses aînés ?
Traditionnellement, les personnes âgées occupent une place centrale dans la société africaine. Gardiennes de la mémoire, détentrices de la sagesse, elles étaient les piliers de la transmission culturelle et morale. Dans les discours officiels ou familiaux, ce respect reste de mise. « Nos parents, ce sont nos racines », affirme Clément Nga Mballa, militaire.
Mais dans les faits, les choses évoluent. Si certains jeunes continuent de vénérer les aînés, nombreux sont ceux qui expriment un sentiment d’éloignement, voire de désillusion. En cause, un environnement socio-économique tendu, où la réussite des jeunes semble bloquée par l’occupation prolongée du pouvoir et des postes décisionnels par les personnes âgées.
Une génération vue comme “accapareuse”
Dans les discussions informelles, les personnes âgées sont parfois perçues comme des obstacles au changement. « Au Cameroun, les vieux refusent de passer le relais. Ils s’accrochent aux postes même après l’âge de la retraite, pendant que les jeunes sont au chômage », déplore Lauraine Nomo, jeune diplômée sans emploi.
Ce discours alimente un ressentiment latent, nourri par le déséquilibre entre générations dans les sphères de pouvoir. Cette frustration nourrit des stéréotypes : les vieux seraient rigides, dépassés, hostiles aux idées nouvelles. À l’inverse, les jeunes sont vus par certains aînés comme irrévérencieux, impatients, et influencés par des valeurs étrangères à la culture locale. Résultat : un dialogue difficile, parfois rompu.
Les stigmates de la sorcellerie
Un autre phénomène préoccupant réside dans l’association fréquente, dans certains milieux, entre vieillesse et sorcellerie. Des personnes du troisième âge sont accusées à tort de malheurs survenus dans les familles. « On les traite de sorcières, juste parce qu’elles sont vieilles et qu’elles vivent seules », confie Valérie Limaleba père de famille dont la mère se trouve seule au village.
Malgré les tensions, des passerelles restent possibles. De nombreuses initiatives favorisent le dialogue entre générations. Il y a des clubs intergénérationnels, ateliers de transmission, mentorat professionnel. Certains jeunes s’engagent pour valoriser les anciens, à travers les récits de vie, l’apprentissage des langues locales ou les soins de proximité.
Au-delà des actions ponctuelles, c’est une véritable éducation au respect mutuel qu’il faut promouvoir. Redonner leur place aux anciens, tout en reconnaissant les aspirations légitimes des jeunes. Car une société où les générations se méfient les unes des autres est une société qui se fragilise.