Entre réseaux sociaux, pression de groupe et quête de validation, de nombreux jeunes vont jusqu’à l’excès pour afficher une vie qui n’est pas la leur.
À Yaoundé, Stéphane, 26 ans, reconnaît avoir contracté plusieurs prêts informels pour financer des sorties et s’acheter un smartphone haut de gamme. « Si tu ne suis pas les tendances, c’est comme si tu n’existes pas. Les gens respectent ce qu’ils voient », explique-t-il, conscient pourtant que cette dette pèse déjà lourd sur ses finances. « Je dois au total 190.000 Fcfa à des amis. C’est un argent emprunté lors d’une virée en boîte de nuit, je devais aussi poser mes bouteilles de whisky ».
Cette spirale du paraître dépasse l’achat de biens matériels. Sur les réseaux, certains fabriquent de toutes pièces une vie idéale. « J’ai des amis qui postent des photos devant des maisons ou des voitures qui ne leur appartiennent pas », confie Aline. « D’autres inventent même des carrières à leurs parents, juste pour donner l’impression qu’ils viennent d’une famille aisée ».
Le phénomène prend parfois une plus grande ampleur « Mon visage s’est retrouvé sur tout Facebook il y a un an. J’étais entrée dans une cotisation où l’on contribuait à hauteur de 30.000 Fcfa toutes les deux semaines. En réalité je n’avais pas de revenus stables à cette époque mais je me suis laissée entraîner par le mouvement. Toutes mes copines étaient dans cette cotisation, si je ne l’avais pas rejoint ça aurait donné l’impression que nous n’étions pas au même niveau. » confie Ornella.
Certains commencent pourtant à résister à cette pression. « Moi, j’ai décidé d’assumer mes moyens », tranche Christelle, 21 ans. « Je préfère dire que je vis à Mini Ferme et que ma maman a un petit tourne-dos que d’inventer des histoires dont je ne me rappelarais même plus. Je ne devrais pas être jugée en fonction de qui sont mes parents ou du téléphone que j’ai en mains. Ceux qui m’aiment vraiment m’accepteront comme ça ».
Entre dettes, mensonges et illusions soigneusement entretenues, la course au paraître interroge : jusqu’où les jeunes sont-ils prêts à aller pour impressionner ? Une question qui laisse planer une ombre inquiétante sur l’avenir d’une génération tiraillée entre le besoin d’exister et la peur de montrer sa vraie réalité.