Le 23 juillet 2025, les noms de Souleymane et Fadil sont venus allonger la longue liste des jeunes africains morts en Méditerranée. Originaires du Cameroun, ils ont péri noyés au large de la Tunisie, leur embarcation de fortune ayant chaviré sous une météo défavorable.
L’histoire est tristement banale, répétitive, mais jamais anodine. Chaque noyade, chaque disparition, est une claque à la face de notre société. Pourquoi, en 2025, des jeunes continuent-ils à risquer leur vie pour fuir le pays qui les a vus naître ? Souleymane et Fadil ne fuyaient pas la guerre. Ils fuyaient le chômage, l’ennui, la précarité, la promesse non tenue d’un avenir meilleur.
Ils fuyaient un système qui les regarde sans jamais vraiment les voir. Dans leurs quartiers populaires, la débrouille a remplacé l’emploi, la résignation s’est installée comme un meuble, et la réussite semble réservée à ceux qui ont des “relations”. L’Europe, avec ses rues pavées et ses promesses d’eldorado, devient alors l’horizon, peu importe les risques, peu importe les cadavres précédents.
La misère comme moteur Il serait trop simple de tout mettre sur le dos des jeunes. Leur choix est le résultat d’un système d’échecs cumulés : échec scolaire pour certains, échec des politiques d’insertion pour d’autres, échec des projets de développement pour tous. Les villages sont vides, les villes saturées, les diplômes dévalués.
Comment convaincre un jeune diplômé de rester quand, après cinq ans d’études, il ne peut même ne pas trouver de stage ? Quand les concours sont verrouillés ? Quand l’économie informelle devient le seul plan B ?
Les illusions nourries par les réseaux
Le phénomène est aggravé par les réseaux sociaux. Sur Instagram ou TikTok, certains jeunes africains installés en Europe postent des images d’un confort apparent. On voit les belles voitures, les photos devant la Tour Eiffel, mais on ne voit pas les 15 heures de ménage, les nuits dans des foyers, les papiers en attente. L’Europe semble proche, accessible, enviable. La réalité, elle, est bien plus crue. De véritables réseaux de passeurs exploitent cette illusion.
Ils promettent la traversée pour quelques millions de francs CFA, sans parler des conditions inhumaines dans les ghettos de Libye, des viols ou des trafics d’organes. La responsabilité collective La mort de Souleymane et Fadil doit interpeller. Pas uniquement les autorités, mais aussi les familles, les écoles, les leaders d’opinion.
Comment en est-on arrivé à ce que mourir en mer devienne un risque calculé ? Que valent nos politiques jeunesse, nos plans d’urgence, nos incubateurs, si les jeunes les plus motivés préfèrent affronter l’océan que de tenter leur chance ici ? Cependant, la jeunesse camerounaise est loin d’être paresseuse ou fataliste. Elle est ambitieuse, créative, audacieuse. Mais elle est lasse d’attendre. Elle veut être écoutée, accompagnée, incluse.
Si on ne lui tend pas la main, elle continuera de tendre l’oreille aux vendeurs d’illusions. Il faut créer un environnement où rester devient un choix et non une défaite. Où entreprendre est possible sans piston. Où réussir ici vaut autant, sinon plus, que s’exiler là-bas. Car au fond, le problème n’est pas que les jeunes veuillent partir. C’est qu’ils n’aient plus envie de rester.