Longtemps perçue comme un accident de parcours, la grossesse à l’adolescence tend aujourd’hui à devenir, chez certaines jeunes filles, un choix assumé. Entre pression sociale, quête d’affection ou stratégie de survie, la maternité précoce interroge désormais autant qu’elle inquiète.
Face à la montée des grossesses en milieu scolaire, le ministère des Enseignements secondaires a pris une mesure marquante en avril 2022. La circulaire n°02/22/C/MINESEC/CAB, signée par la ministre Pauline Nalova Lyonga, abroge l’ancienne réglementation de 1980 et permet désormais aux élèves enceintes de poursuivre leur scolarité jusqu’à la 26e semaine de grossesse.
Elles peuvent ensuite bénéficier d’un congé maternité et reprendre les cours après l’accouchement si leur situation le permet. Cette réforme vise à protéger le droit à l’éducation des jeunes filles et à favoriser leur réinsertion scolaire. Cependant, certains critiques estiment que cette mesure a involontairement contribué à une certaine banalisation du phénomène, les adolescentes se sentant désormais davantage protégées que responsabilisées.
Sur le terrain, la présence d’adolescentes enceintes dans les établissements scolaires est devenue fréquente. Loin de représenter un simple accident de parcours, ces situations reflètent, pour un nombre croissant de jeunes filles, un choix personnel et réfléchi. Ce phénomène, devenu presque banal, est alimenté par de nombreuses causes. Si certaines grossesses sont accidentelles, d’autres relèvent d’un choix réfléchi.
Le manque de perspectives éducatives pousse certaines jeunes filles à voir la maternité comme un projet concret, comme une source d’avenir sur. « J’ai rencontré le père de ma fille en terminal. Depuis que j’ai accouché, il prend soin de nous deux », dit Maffo. À cela s’ajoutent des carences affectives majeures : grandir sans affection ni stabilité familiale peut renforcer le désir d’avoir “quelqu’un qui nous aime inconditionnellement”, comme le disent certaines adolescentes. « Je n’ai pas connu mon père et ça me bouleverse jusqu’à présent, je suis tombée enceinte en première et je ne veux pas que mon enfant manque d’amour », confie une élève en classe de terminal.
L’enfant devient alors une réponse au vide affectif laissé par une enfance marquée par une absence. Ce vécu est amplifié par l’absence de prévention, de dialogue autour de la sexualité et par des normes sociales qui, dans certaines communautés, valorisent encore la maternité précoce. Les familles, souvent sous le choc dès le départ, finissent par s’habituer à cette réalité et la considère désormais comme normale.
Avec le temps, ce qui était perçu comme une honte ou un drame devient pour certains un simple fait de la vie quotidienne. « J’ai conversé avec des jeunes filles enceintes pendant mon stage. Et elle assume la situation », confie Brice Mani, étudiant en troisième année de médicine. Les grossesses précoces ne sont plus seulement le résultat de l’ignorance ou de l’accident : elles deviennent, pour certaines, un choix assumé.