Dans la plupart des foyers aujourd’hui, la présence de demi-frères et demi-sœurs est devenue une réalité courante. Entre tolérance, jalousie, conflits ouverts certaines familles volent en éclats.
Dans la cour d’un immeuble à Essomba, Diane, 14 ans, joue à la corde avec Nadège, sa demi-sœur. « On n’a pas la même maman, mais on vit dans la même maison », dit-elle en souriant. Leur père s’est remarié il y a quatre ans. Depuis, une nouvelle dynamique familiale s’est installée. Comme ce foyer, de nombreuses familles camerounaises vivent désormais avec des enfants issus d’unions différentes.
Entre séparations, décès, remariages, les chemins de la vie dessinent de nouvelles configurations. Et ce sont les enfants qui doivent s’y adapter. Plus loin, à Ekoumdoum, Junior, 11 ans, et Blaise, 13 ans, portent le même nom de famille, mais n’ont pas les mêmes parents. « Lui, c’est mon demi-frère, mais je dis toujours que c’est mon frère tout court », glisse Blaise en montrant son cadet. Leur mère, Mireille Ngono, vit avec un mari qui a eu un enfant d’une précédente union. Elle-même avait une fille avant leur mariage.
Une famille recomposée de cinq membres, qui semble bien fonctionner. Dans certains cas, la transition est fluide. « On a élevé les enfants comme des frères et sœurs, sans jamais faire de différence », explique M. Mvondo, père de quatre enfants issus de deux mariages. « Le respect est la base. » Mais cette harmonie n’est pas systématique.
Rivalités, comparaisons, manque d’affection ou impression d’être un intrus dans une maison recomposée alimentent souvent tensions et malentendus. « J’ai grandi avec mes demi-frères, mais j’ai toujours senti que je n’étais pas vraiment des leurs », témoigne Charles, 26 ans. Il évoque un manque d’attention et un sentiment d’exclusion. « Ce n’est pas toujours facile, surtout quand l’un des parents biologiques intervient trop souvent », reconnaît Mireille Ngono.
Parmi les défis ; différences d’éducation, favoritisme supposé, jalousies latentes. Mais il s’agit aussi d’une question d’adaptation. « Les enfants mettent du temps à s’accepter », confie Georges Mam, psychologue. « Il faut instaurer un climat d’équité, et surtout, éviter les comparaisons. » Dans d’autres foyers, le ton est moins conciliant. C’est le cas de Sandra Engoulou, 22 ans, qui confie n’avoir jamais supporté la fille de sa belle-mère. « On ne s’est jamais entendues. Ma mère disait que je devais l’accepter, mais elle me provoquait sans cesse. »
Pourtant, dans une société où divorces, séparations et nouvelles unions sont de plus en plus fréquents, ces configurations familiales tendent à devenir la norme. Entre affection sincère et tolérance de façade, les fratries recomposées traduisent l’évolution des modèles familiaux.