Le centre de formation Bobine d’or accueille jeunes filles valides et handicapées pour trois années d’études. Leur première journée de cours a mis en lumière les défis et richesses d’une inclusion vécue au quotidien.
Nous sommes au lieu-dit « entrée des impôts », au quartier Ekounou à Yaoundé. Ce matin de rentrée au centre de formation Bobine d’or, l’ambiance est particulière. Dans la cour comme dans les salles, le calme domine. Cahiers à peine ouverts, sacs posés çà et là, regards curieux: les premiers instants d’une reprise où jeunes filles valides et en situation de handicap partagent le même espace.
Ici, pas de filière imposée d’emblée. « La première année, c’est un tronc commun. Au fur et à mesure, nous observons les aptitudes des unes et des autres pour mieux les orienter », explique Mme Tenlep Florence Nicaise, directrice du centre. Mais au-delà du programme, le défi majeur reste la transmission à un public hétérogène. « Nous n’avons pas été formés en langage des signes.
Alors nous apprenons avec elles, pour que la communication passe. Quand une élève ne comprend pas, elle peut compter sur ses camarades », confie Mme Ngo Bayiha Nancy, animatrice pédagogique. Cet esprit d’entraide se nourrit d’un encadrement qui se veut à la fois professionnel et parental. « Nous accueillons des filles handicapées sensorielles, mentales ou physiques. Certaines n’ont jamais connu une salle de classe.
Alors nous allons doucement, jusqu’à ce qu’elles se socialisent », poursuit la directrice. La solidarité entre apprenantes devient ainsi le ciment de la vie scolaire. Bwea Nseng, élève de 3ᵉ année, en témoigne: « On nous apprend à vivre avec nos camarades en situation de handicap. J’ai une amie sourde muette, j’ai appris quelques signes pour communiquer avec elle. Sinon, j’écris.
Elle sait lire et elle me répond en écrit aussi. Ce n’est pas compliqué, il faut juste s’adapter. » De son côté, Thecy Azang, elle-même sourde muette, assure que « tout se passe bien ». Ses propos sont transcrits par une camarade valide, interprète improvisée qui a aussi appris le langage des signes au sein du centre. Parfois, l’adaptation prend des formes inattendues.
Marie Noëlle, surnommée « Nana », atteinte d’un déficit mental, a choisi d’imiter les gestes de ses camarades et d’inventer ses propres signes pour échanger avec les autres. « Ce n’est pas toujours aux valides de s’adapter. Elles aussi cherchent à le faire, à leur manière », souligne Mme Ngo Bayiha.
Au terme de cette première journée, une évidence s’impose: à Bobine d’or, l’apprentissage dépasse les métiers de l’hôtellerie, de la restauration ou de la couture. Ici, on apprend aussi la patience, la solidarité et l’écoute: autant de savoirs essentiels pour bâtir une société inclusive.