Ils sont jeunes, robustes, et surtout malléables. Idéaux pour bâtir vite, pas cher, et sans trop poser de questions. On les recrute au coin de la rue, au son d’un klaxon ou d’un « viens bosser, on paye cash ! » Et les voilà parachutés sur des chantiers, parfois sans casque, souvent sans contrat. Leur job ? Tout faire.Creuser, porter, lever des murs, avaler de la poussière, transpirer comme des moteurs diesel, puis recommencer jusqu’à épuisement.
Leur tenue ? Un gilet fluo pour les plus chanceux, un tee-shirt troué pour les autres. Leur salaire ? À la discrétion du chef de chantier, ce noble personnage. Ils bossent comme des machines, mais il n’y a pas de fiche de paie, pas de repos payé, pas de prime de risque ; même quand ils flirtent avec les câbles électriques ou les sacs de ciment volants.À la pause, c’est chacun pour soi lorsqu’il faut manger.
Mais le plus ironique, c’est qu’ils construisent des écoles, des villas, des immeubles qu’ils ne fréquenteront jamais. Les vrais bâtisseurs, ce sont eux. Mais dans les discours, les photos officielles et les rubans à couper, ils n’existent pas. Invisibles, mais indispensables. Exploités ? Évidemment. Résignés ? Pas encore. Juste épuisés. Et pendant que les murs montent, leur dignité, elle, s’effrite.