La plupart des utilisateurs des réseaux sociaux numériques n’ont pas reçu à la base, une formation en éducation aux médias. Ce qui les laisse vulnérables à toutes les dérives de la toile et en tête de liste, la cybercriminalité.
C’est un fait. Les jeunes et même les moins jeunes passent de plus en plus de temps sur les réseaux sociaux. Entre likes, partages, selfies et stories, le quotidien se déroule désormais à l’écran. Cependant, des milliers de personnes se font pirater leurs comptes WhatsApp, Facebook ou Instagram. Des messages alarmants apparaissent : « Je suis en détresse, j’ai besoin de 50.000 F », ou encore « clique ici pour récupérer ton prix ».
Mais derrière ces messages, ce n’est pas l’ami ou le proche que vous croyez. C’est un cybercriminel, souvent bien organisé, parfois même en réseau. Les techniques utilisées par ces arnaqueurs ne cessent d’évoluer. La plus classique reste le phishing. La victime reçoit un lien via message ou email, l’invite à entrer ses identifiants pour soi-disant « sécuriser son compte ». A la fin, ses données sont captées. Une autre méthode courante est le clonage de compte.
Le hacker crée une fausse page, envoie une demande d’ami, puis attaque via messages privés. Certains vont plus loin, utilisant des logiciels pour capter les mots de passe ou usurper des comptes professionnels afin de toucher un public plus large. En mars dernier, Chantal, étudiante à l’université de Yaoundé I, a vu son compte WhatsApp être piraté. Le hacker a contacté sa famille en prétendant qu’elle avait eu un accident et avait besoin d’argent d’urgence. Plusieurs membres ont envoyé des sommes d’argent avant de se rendre compte de la supercherie.
Le plus inquiétant n’est pas seulement la ruse des cybercriminels, mais l’ignorance numérique des utilisateurs. Beaucoup ne savent pas sécuriser leurs comptes, ignorer les mails douteux ou identifier les signes de piratage. Ce manque de vigilance provient en grande partie de l’absence d’éducation aux médias dans le système scolaire.
Ni au primaire, ni au secondaire, ni même à l’université, on n’enseigne aux jeunes à décoder les contenus numériques, à identifier les fake news ou à sécuriser leurs données personnelles. Dans ce désert pédagogique, les jeunes explorent le numérique à l’aveugle.
L’appel à une culture numérique
Face à cette urgence, les experts appellent à intégrer une éducation aux médias dans les programmes scolaires. Cela permettrait d’outiller les élèves dès le bas âge à un usage responsable et sécurisé des plateformes numériques. « On ne peut pas continuer à laisser nos enfants naviguer dans le cyberespace sans boussole », insiste Blaise Pascal Andzongo, spécialiste de l’éducation aux médias. Des ateliers de sensibilisation, des campagnes dans les écoles, des tutoriels diffusés sur les médias locaux : tout est bon à prendre pour combler ce vide éducatif.
Certaines initiatives existent, mais elles restent encore trop isolées pour avoir un impact massif. Au-delà de la prévention contre les arnaques, l’éducation aux médias permettrait aussi de lutter contre la désinformation, les discours de haine, le cyberharcèlement, ou encore l’exposition excessive à la vie privée.
Dans un monde où le numérique est devenu un prolongement de notre quotidien, savoir s’en servir n’est plus un luxe, mais une compétence citoyenne. Les plateformes sociales, tout en étant des lieux d’expression, sont aussi des terrains de manipulation. Face à la montée des cybermenaces, seul un citoyen numérique formé et conscient peut faire barrage. Et cela commence dès l’école.