Pourquoi avoir choisi les réseaux sociaux comme terrain d’action ?
En 2012, j’étais Directeur Général d’une entreprise financière. Hélas mon père a été atteint d’un cancer. J’ai dû démissionner pour m’occuper de lui, pensant qu’il guérirait, et que j’aurai le temps de retrouver ma vie meilleure. Hélas il décéda, et je me retrouvais au chômage. Sans emploi, j’ai cherché ce que je pouvais faire pour toucher des millions de personnes. C’est alors que je me suis inspiré de ce qui se faisait déjà en occident, où des jeunes arrivaient à brasser de l’argent et gagner leur vie grâce aux Réseaux Sociaux. Je m’y suis donc lancé, avec la réussite qui a suivi, inspirant désormais des millions de jeunes camerounais et africains qui à leur tour gagnent leur vie grâce aux Réseaux Sociaux.
Vous touchez plus d’un million de membres à travers vos groupes. Comment gérez-vous cette communauté au quotidien ?
Les groupes KEREL sont comme une sorte de famille, à la camerounaise. Par exemple sur KK, avec +60.000 publications / mois, le groupe est hyper actif. Les postes permettent aux membres de déstresser, de rire, de s’informer sur l’actualité de façon informelle. Donc si je suis Administrateur Principal, je suis aussi “Le Père” de cette grande famille, et les membres sont “mes fils et mes filles”. Ainsi, au quotidien, je poste comme tout le monde, tout en administrant et en supprimant les posts, et même les membres qui ne s’arriment pas à la charte du groupe. Ce n’est pas toujours évident, car ça demande d’être connecté quasiment 24h/24. Mais depuis des années je me suis habitué.
Comment parvenez-vous à garder un équilibre entre liberté d’expression et modération dans vos plateformes ?
En fait, étant comme une famille qui évolue depuis des années, les membres connaissent bien la charte de bon fonctionnement des groupes, calquée sur la loi camerounaise. Ils savent que le tribalisme, l’affichage, les Fake news, l’incitation à la haine et autres dérives des réseaux sociaux, sont interdits dans les groupes KEREL. Ainsi, lorsqu’un membre enfreint la charte, ce sont les autres qui lui demandent d’effacer son post en commentaire. S’il ne s’exécute pas, certains vont le signaler à Facebook pendant que d’autres vont taguer les Admin pour qu’ils agissent. Ce n’est pas toujours évident, mais on essaye ainsi de réguler autant qu’on peut les groupes, sans pour autant enfreindre la liberté d’expression des membres.
Vous êtes souvent perçu comme un mentor pour les jeunes. Comment ce rôle s’est-il imposé à vous ?
La plupart des influenceurs d’aujourd’hui sont issus de KEREL KONGOSSA qui a été la plateforme leader du Cameroun. Ce n’est qu’après qu’ils ont créés leur propre page. C’est dans ce sens qu’on m’appelle “Lopaire”. Entant que l’un des pionniers parmi les Influenceurs, j’ai montré le chemin à de nombreux jeunes et inspiré les autres sur comment gagner de l’argent, signer des contrats avec des multinationales, faire évoluer sa communauté… Aujourd’hui, à leur tour ils sont devenus des icônes, mais n’ont jamais manqué de me donner beaucoup d’amour et de respect. Peupah Zouzouah, Noëlle Kenmoe, Albert Junior Mbog Mbog, Moustik Karismatik, feu Cabrel Nanjip… Ils sont si nombreux…
Que manque-t-il, selon vous, à l’écosystème numérique camerounais pour pleinement décoller ?
Il manque l’accompagnement, mais aussi que les infrastructures au Cameroun permettent de desservir les entrepreneurs. La stabilité de la connexion internet, la fourniture de l’eau et l’électricité, les impôts et taxes qui doivent être de nature à encourager les jeunes entrepreneurs… Je lance ainsi un cri d’espoir à l’endroit des décideurs, afin qu’ils améliorent les conditions de l’entreprenariat jeunes.
On vous a vu au cinéma avec « Je veux Boza ». Pourquoi ce tournant artistique ?
A la tête d’une communauté d’autant de jeunes, j’ai perçu leurs cris et leurs pleurs. Ne pouvant rester insensible, il m’a paru nécessaire de porter leur voix très haut. C’est dans ce sens que le cinéma a été pour moi le meilleur moyen pour décrier les fléaux qui minent la jeunesse. Dans “Je Veux BOZA”, je sensibilise contre l’immigration irrégulière et les violences faites aux femmes. Mais aussi, j’indique aux jeunes qu’on peut réussir dans son pays. J’en suis moi-même le parfait exemple. Il faut juste croire en soit, beaucoup travailler et avoir la patience pour récolter avec le temps le fruit de nos efforts.
Peut-on s’attendre à d’autres projets dans le domaine culturel ou audiovisuel ?
“Je Veux BOZA” a eu l’honneur d’avoir pour Parrain Exclusif Mr Samuel ETO’O qui m’a signé une lettre officielle de parrainage, tellement il a aimé le film et la démarche de sensibilisation des jeunes. D’autres partenaires du film ont été le PNUD, l’OIM et ONU Femmes. Signe que je fais du bon travail. Ce qui me pousse à poursuivre avec “Je Veux BOZA II”, puis d’autres films, des longs métrages cette fois, afin de plonger le monde entier dans mon univers. Je vous réserve d’énormes surprises. Ce n’est que le début.
Comment voyez-vous l’avenir des médias sociaux africains ?
Le véritable problème est justement qu’il n’y ait, à ce jour, toujours pas de médias sociaux africains de référence. Pourtant l’Afrique détient le plus fort taux de croissance numérique au monde, avec par exemple 75% de l’expansion mondiale de la couverture internet en 2024. Les autres continents le savent déjà, et commencent de plus en plus à venir conquérir le continent et sa population, la plus jeune au monde. Nous devons ainsi prendre conscience de cette force et cet avantage que nous détenons, puis développer des applications, des fonctionnalités et des outils qui permettront à l’Afrique de surmonter le retard que nous avons. Nous en sommes capables, prenons conscience et mettons-nous au travail.
Des rumeurs ont parlé d’une levée de fonds à Dubaï pour KEREL. Où en est ce projet ?
En août passé, j’ai été invité à Dubaï par une multinationale qui m’a reçu et logé dans un palace. Cette entreprise voulait s’installer nouvellement au Cameroun, et avait dans ce sens besoin de plateforme qui se soient déjà imposées au pays pour rapidement pénétrer le marché camerounais. C’est dans ce sens que la rumeur dit qu’ils m’ont proposé 1 million de dollar pour racheter l’ensemble de mes groupes Kerel. Ai-je accepté ? Ai-je refusé ? La rumeur n’indique pas la fin de l’histoire.
Si vous deviez adresser un message aux jeunes qui vous suivent, que leur diriez-vous ?
Comme j’ai dit plus haut, que chaque jeune qui veut réussir se demande ce qu’il sait le mieux faire dans sa vie. Et qu’il choisisse comme travail un emploi qu’il aime et fera non pas comme une contrainte, mais avec passion. Avec beaucoup de travail, de patience et de persévérance, ils récolteront les fruits. J’en suis le parfait exemple. Parti d’un simple groupe Facebook que j’ai su valoriser, aujourd’hui j’ai des contrats avec toutes des multinationales et des Institutions, propriétaire d’un label qui vaut des centaines de millions de Francs CFA, Producteur et réalisateur de film. J’ai même ma marque de boisson “Six Bitakola” qui va sortir dans quelques jours. Mais je continue de rêver, et donc de travailler pour monter encore plus haut.