Photos, numéros et témoignages circulent en masse sur la toile, entre appels à l’aide légitimes et informations souvent contradictoires. Le phénomène émeut, mais interroge aussi.
« Bonsoir famille, nous sommes à la recherche de notre frère Jordan, disparu depuis ce jour, le 28/10/2025 vers environ 17h au quartier essos, descente makamambok. Âgé de 14 ans, il est sorti faire un retrait et n’est jamais revenu. Pour toute personne ayant des informations, veuillez contacter les numéros suivants… ». Dernièrement, il ne se passe pas une semaine sans qu’on voie ce genre de publication sur un statut WhatsApp ou une page Facebook.
En effet, depuis la rentrée scolaire du 8 septembre 2025, les cas de disparition d’enfants en majorité des élèves se sont multipliés au Cameroun. Les alertes se propagent à une vitesse éclair sur les groupes WhatsApp, sur Facebook ou via des captures d’écran circulant massivement : 441 disparitions ont été enregistrées entre janvier et juin 2025, soit près de deux par jour.
Or, derrière ce flux d’annonces : peu de pistes claires, beaucoup de confusion et une mobilisation citoyenne intense mais désordonnée. À Yaoundé, 40 % des signalements ont été enregistrés, suivie de près par douala (24 %). Les familles, désemparées, postent des photos, décrivent la tenue de l’enfant disparu et supplient : « partagez ce message ! ». Certains cas, comme celui d’un bébé enlevé par sa nounou à Yaoundé, se sont soldés par une issue rapide après diffusion sur les réseaux et intervention des forces de l’ordre.
Mais pour beaucoup d’autres, le message reste suspendu dans l’air numérique sans suite tangible. « On a posté l’alerte à 18h, à 22h aucun signe », témoigne Mme m., mère d’un enfant disparu. La viralité de l’annonce crée un sentiment d’espoir immédiat… qui s’éteint vite. Les enfants disparaissent un jour, les hashtags s’éteignent le lendemain. Plus grave : certains partent de leur propre chef ou sont attirés via des échanges en ligne, rendant la frontière entre fugue, accident ou enlèvement floue.
Un simple partage n’est pas toujours une solution.
Les réseaux sociaux sont donc un outil double : ils permettent une diffusion rapide de l’alerte, mais génèrent aussi un flot d’informations parfois erronées rumeurs, photos obsolètes, fausses identités.
Ces dérives ralentissent l’intervention des autorités et épuisent les familles qui voient leur détresse exposée en public. « Je n’ai pas dormi une seule nuit depuis qu’on a posté l’annonce, j’attends que les gens arrêtent de partager et commencent à agir », confie un père de famille.
Les familles, les écoles et les communautés se retrouvent ainsi à jongler entre alerte numérique et attente institutionnelle. Il n’existe pas encore de dispositif national type « alerte enlèvement » digne de ce nom au Cameroun, capable de structurer la recherche, coordonner la diffusion et suivre les disparitions. Et pendant ce vide, les enfants continuent de disparaître.

































































