Un phénomène aussi invraisemblable qu’alarmant secoue la ville. Des hommes affirment avoir vu leur sexe disparaître après un simple contact avec un inconnu ; poignée de main, échange d’argent, voire une simple salutation. Ce qui pouvait passer pour une légende urbaine ou une farce d’adolescents prend désormais des allures de psychose collective.
Vendredi 30 mai 2025, au quartier Damas, un jeune élève, visiblement soulagé d’avoir fini une épreuve du baccalauréat, croise un homme qui lui demande 100 F CFA. Généreux, il tend la pièce. Quelques pas plus tard, il ressent un malaise étrange. Puis l’impensable : il affirme ne plus sentir son sexe. Pris de panique, il retourne sur ses pas, alerte les passants et désigne l’homme comme “voleur d’organes”. Rapdement encerclé, l’individu est conduit au poste de gendarmerie. Là, selon le récit du jeune, son sexe “revient” sous la pression populaire.
Le 9 juin, une scène similaire se produit au rond-point Nlongkak. Cette fois, la victime est un vendeur de cigarettes qui, après avoir encaissé de l’argent d’un client, pousse un cri de détresse. Il affirme avoir perdu son pénis “d’un coup”. Là encore, la foule intervient. Le client est arrêté, emmené chez les forces de l’ordre, et comme par enchantement, le sexe du vendeur serait revenu. Depuis, les récits se multiplient. Certains assurent qu’un simple “bonjour” peut suffire pour être victime. Dans les quartiers populaires, les marchés ou les transports, plus personne ne veut se faire toucher.
Les hommes sont sur leurs gardes, refusent les poignées de main, reculent à la moindre tentative de contact physique. Les plus superstitieux se promènent avec du charbon dans les poches ou récitent des prières dès qu’un inconnu s’approche. Dans les discussions de rue, les scènes filmées sur smartphone alimentent l’angoisse. Les réseaux sociaux amplifient le phénomène. Loin d’être un cas isolé, la disparition de sexes devient un fait social. Même si aucune preuve médicale concrète n’a encore été apportée, la peur, elle, est bien réelle.
Pour l’anthropologue Joseph Feuzeu, ce phénomène mêle croyances ancestrales, peur de l’autre et troubles psychosomatiques. “Dans certaines traditions, le sexe est porteur d’énergie vitale. Sa perte symbolise une domination, une castration sociale, une dépossession de soi”, explique-t-il. Selon lui, dans un contexte de crise, de chômage et d’incertitude, de tels récits trouvent un terreau fertile.
Reste que pour les autorités, la situation devient préoccupante. D’un fait marginal, on passe à une vague de dénonciations et parfois même à des violences populaires contre des “présumés voleurs de sexes”. Une chose est sûre : à Yaoundé, en ce mois de juin 2025, on ne serre plus la main sans crainte. La ville vit sous tension, et dans les esprits, un simple contact peut désormais coûter bien plus que la confiance.