C’est un mode de solidarité autour de la beauté féminine qui se répand à grande vitesse dans les universités, les lycées et même dans nos quartiers. Inspirées du modèle des tontines classiques, les cotisations de perruques rassemblent de jeunes filles qui s’organisent pour offrir, à tour de rôle, une perruque à chacune des membres.
Juste après avoir composé le baccalauréat, la jeune Patricia, 20 ans, tombe sur le statut WhatsApp d’une camarade. Celle-ci invite les filles à rejoindre, via un lien, un forum dédié à une « cotisation de perruques ». Intriguée, Patricia est séduite par l’idée et décide de s’y inscrire. Une fois le groupe constitué (10 membres), elles conviennent d’une cotisation hebdomadaire de 3 000 F CFA. Un ordre de passage est établi de manière aléatoire. Dans le groupe WhatsApp, l’animation est permanente : « Cette semaine, c’est au tour de Blanche. Avec ses 30 000 francs, elle va choisir sa perruque demain chez notre fournisseuse à Elig-Essono », explique Nadège, la trésorière autoproclamée de cette tontine baptisée “Tontine Perruque 3k”.
Comme dans toute tontine, chaque fille verse une somme définie, généralement entre 2 000 et 5 000 F CFA. L’argent est ensuite utilisé pour acheter une perruque à l’une d’elles, selon le calendrier fixé. « On se fait belles, mais on le fait ensemble. C’est une façon de se soutenir entre copines », affirme fièrement Audrey, lunettes fumées sur la tête, arborant une perruque blonde ondulée parfaitement ajustée. Au-delà du style, ces jeunes femmes avancent aussi des raisons pratiques. « Avec la chaleur, je ne supporte plus les salons de coiffure ni les longues heures de tresses.
Une perruque, tu l’enlèves quand tu veux, tu l’entretiens à la maison », explique Stéphanie, étudiante en deuxième année d’économie. Certaines voient même un bon investissement : « Une perruque de qualité peut durer plusieurs années. C’est plus économique que de refaire les cheveux toutes les deux semaines », ajoute-t-elle. Aujourd’hui, la mode impose la culture du “look instantané”. Les jeunes veulent changer de style à volonté ; passer du carré lisse au long brésilien bouclé, en quelques minutes.
Quand la solidarité dérape
Mais tout n’est pas toujours rose. Certaines cotisations virent au conflit. Il y a des filles qui disparaissent après avoir reçu leur perruque, d’autres refusent de continuer à contribuer. « Il faut une bonne organisation, une liste claire et une personne de confiance pour gérer l’argent. Sinon, ça tourne au chaos », prévient Mireille, vendeuse de perruques au marché de Mokolo qui reçoit chaque semaine des groupes venus dépenser leur cagnotte. Cependant, ce phénomène soulève des débats sur les priorités de la jeunesse féminine. Certains y voient une obsession de l’apparence, d’autres du suivisme aveugle. Mais pour les principales concernées, la beauté est aussi une question de bien-être.
« Ce n’est pas parce qu’on est jeune et sans moyens qu’on doit négliger son image. Ce n’est pas de la vanité : c’est une façon de se sentir forte, confiante », rétorque Nadège. Entre culture de l’image, pression sociale et ingéniosité économique, les cotisations de perruques illustrent une forme d’organisation communautaire moderne, féminine et assumée. Une tendance bien tressée dans le quotidien des jeunes Camerounaises.