Pour une partie grandissante de la jeunesse, l’ascension sociale ne repose plus nécessairement sur l’effort, le mérite ou l’intégrité.
La tentation est grande et les modèles de réussite semblent trop souvent rimer avec scandales dissimulés, réseaux occultes et compromissions. À Yaoundé, Merveille, étudiante en Comptabilité confie : « Pour garder mon stage, j’ai accepté une relation avec mon chef. Tout le monde savait. Si tu refuses, on te remplace. » Le cas n’est pas isolé. Derrière les CV impeccables et les photos bien filtrées sur LinkedIn, se cachent parfois des sacrifices silencieux, dont le corps devient la monnaie d’échange.
La prostitution, autrefois marginalisée, prend aujourd’hui un visage plus discret mais tout aussi préoccupant. Elle se niche dans les dîners huppés, les chambres d’hôtel sponsorisées par des “sugar daddies” ou “sugar mamies”, ou même dans des relations de convenance avec des hommes ou femmes d’influence.
Dans certains cas, des jeunes hommes acceptent, voire recherchent, des relations homosexuelles avec des personnalités influentes, non pas par orientation, mais par stratégie. « Il y a un gars de mon quartier qu’on voyait toujours avec un haut cadre de l’administration. On l’a revu récemment dans une grosse voiture. Tout le monde comprend, mais personne ne parle », raconte Landry Afanda. Ces choix s’inscrivent dans un environnement où les tricheurs prospèrent, où l’argent, l’apparence et les contacts valent plus que le travail.
L’éthique devient un luxe que peu peuvent se permettre. L’idée dominante : “Ceux qui réussissent sont ceux qui savent naviguer dans le système”. La pression familiale et sociale ajoute une couche : il faut réussir vite, peu importe comment.
Pourtant, tout n’est pas perdu. Certains jeunes refusent ces pratiques, quitte à avancer plus lentement. « J’ai refusé un poste car on m’a clairement fait comprendre que je devais entretenir une relation avec le patron. J’ai préféré vendre des beignets », témoigne Clarisse, diplômée en gestion. Ils sont nombreux, moins visibles, à faire le choix de l’intégrité : entreprendre avec peu, étudier dans la difficulté, bâtir patiemment. Ce sont eux les véritables leaders de demain. Ceux qui inspireront, non par ce qu’ils ont, mais par ce qu’ils sont. Il est urgent de revaloriser l’éthique comme socle de la réussite. Car si les générations futures associent leadership à compromission, la société court à sa perte.
Il ne s’agit pas de juger, mais de réfléchir collectivement : quel modèle voulons-nous transmettre ? Car la vraie ascension n’est pas celle qui se voit, mais celle qui se construit sans trahir ses valeurs.