Très souvent derrière de faux profils, ils se présentent comme des prétendants idéaux mais ne cherchent qu’à piéger. Les « arnacoeurs » font de l’amour virtuel un business bien réel.
Tout a commencé par un simple message sur Facebook. Mathilde, la trentaine, est une Camerounaise installée en Europe. Trois mois sur douze, elle revient au pays pour gérer son institut de beauté et d’autres activités. Un jour, elle reçoit un « salut beauté » d’un inconnu. D’habitude, elle ignore. Mais cette fois, elle répond. « Il avait l’air attentionné, drôle. Dès les premiers échanges, il m’a donné l’impression de pouvoir être un papa pour ma petite fille. Je sais que dit ainsi ça paraît tiré par les cheveux, mais c’est ce que j’ai ressenti », raconte-t-elle.
Très vite, les conversations s’enchaînent. Appels quotidiens, déclarations, projets communs. « J’étais persuadée d’avoir rencontré l’homme de ma vie », poursuit Mathilde. Mariage, enfants, construction d’une maison : il multiplie les promesses. Elle est sur un nuage. Quand son compagnon commence à évoquer des difficultés financières, elle n’hésite pas. 100 000 francs pour son quotidien, 50 000 pour lancer une petite activité, davantage pour soutenir sa famille.
« Je gagne assez bien ma vie et je sais que ce n’est pas toujours facile au pays. Je voulais l’aider, c’était normal. » Pendant des mois, la romance virtuelle se poursuit. Les transferts d’argent aussi. Il promet même de rencontrer ses parents lors de sa prochaine venue au Cameroun. Mais un matin, Mathilde reçoit un message glaçant la supposée petite sœur de son amoureux lui écrit. « En réalité, c’était sa compagne depuis quatre ans. Ils m’utilisaient comme portefeuille », souffle Mathilde. Elle bloque aussitôt l’homme, malgré ses excuses et sa tentative de se justifier.
Paule, 29 ans, n’a même pas eu cette certitude. « Je discutais avec un homme… ou une femme ? Je ne le saurai jamais. Pendant quatre mois, impossible d’avoir un seul appel vidéo. Mais j’ai envoyé de l’argent plusieurs fois. Sur les conseils de mon frère, j’ai tout arrêté. »
Au Cameroun, ces arnaques sentimentales prennent de l’ampleur. Ailleurs on les appelle « brouteurs » ou « Yahoo boys ». Ici, ils se glissent dans les réseaux sociaux avec une arme imparable : l’amour. Leur méthode est bien rodée : détecter la solitude, le besoin d’attention, le rêve d’une stabilité, et exploiter la faille. Pour les victimes, le choc est double : perte d’argent, mais surtout perte de confiance. « On se sent stupide, honteuse », confie Mathilde. « On m’a volé plus que mon argent : ma dignité. » ajoute-t-elle.
Bien que la loi sanctionne ces pratiques, rares sont celles qui portent plainte. Beaucoup préfèrent se taire, par peur d’être jugées naïves. Et derrière leurs écrans, les arnacoeurs poursuivent leur chasse. Car tant qu’il y aura des cœurs en quête d’amour, il y aura des prédateurs pour en profiter.