De nombreuses jeunes mères préfèrent aujourd’hui nourrir leurs enfants au lait artificiel plutôt que de les allaiter. Les raisons évoquées sont souvent sociales, esthétiques et culturelles. Une tendance qui interroge autant qu’elle alarme.
Dans le monde actuel, l’apparence physique occupe une place centrale. Certaines jeunes filles redoutent que l’allaitement abîme leur poitrine, altère leur silhouette ou accélère le vieillissement de leur corps. Les jeunes femmes subissent une pression constante pour rester attirantes, minces et dynamiques, y compris après un accouchement. Dans ce contexte, l’allaitement est parfois perçu comme une menace pour l’esthétique corporelle.
« Je suis encore jeune, je ne veux pas que mes seins tombent », confie Marie Emvoutou, 27 ans, mère de deux enfants. Son témoignage reflète la crainte de voir son corps se transformer de manière irréversible après la maternité. Les seins, associés à la sexualité et à la féminité, deviennent alors un symbole à préserver. L’allaitement, bien que naturel, est parfois perçu comme un facteur de dégradation physique. Sur les réseaux sociaux, les modèles de maternité diffusés sont souvent aseptisés : biberons bien propres, laits de croissance, enfants souriants et nourris aux céréales.
Les marques de lait infantile exploitent cet imaginaire en promouvant l’autonomie et la liberté de la mère. « Avec le lait en poudre, tu peux sortir, confier le bébé et avoir du temps pour toi », explique Lesly Ahanda, une jeune mère. Cette volonté de préserver une certaine liberté, de continuer à travailler, étudier ou simplement sortir, pousse certaines femmes à opter pour le biberon dès la naissance.
Par ailleurs, l’allaitement en public reste un sujet tabou. Beaucoup de femmes expriment leur malaise à l’idée de devoir découvrir leur sein en présence d’inconnus, que ce soit dans les transports, les administrations ou même les structures médicales. Cette gêne, nourrie par les normes sociales et les jugements moralisateurs, freine l’allaitement maternel, surtout chez les jeunes. Chez les très jeunes mères, notamment les adolescentes ou les étudiantes, l’allaitement est souvent vécu comme une contrainte de plus dans un quotidien déjà lourd. Ces jeunes femmes, parfois sans partenaire stable ni soutien familial, doivent jongler entre maternité, études, petits boulots et obligations sociales. Reprendre rapidement le cours de leur vie devient une priorité, et dans ce contexte, allaiter semble peu compatible.
Le recours au lait artificiel devient alors une solution pratique, bien que coûteuse. Les adolescentes ou jeunes femmes qui deviennent mères sans y être préparées vivent souvent l’allaitement comme une charge supplémentaire. Pourtant, les bienfaits de l’allaitement sont largement reconnus. Il renforce l’immunité de l’enfant, réduit les risques de certaines maladies, stimule les capacités cérébrales et favorise un lien affectif fort entre la mère et l’enfant.
Chez la mère, il diminue les risques de cancer du sein et des ovaires, facilite la récupération post-partum et aide à la gestion du stress. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) recommande un allaitement exclusif jusqu’à six mois. Mais ces recommandations peinent à atteindre les jeunes générations, trop souvent laissées seules face à des choix complexes, sans accompagnement ni cadre structurant.
Face à cette réalité, les spécialistes plaident pour une sensibilisation plus précoce, dès le lycée, un accompagnement postnatal renforcé, ainsi qu’une déconstruction des tabous sociaux liés à l’allaitement. Car derrière chaque refus d’allaiter se cache souvent un manque d’information, de soutien ou de moyens, bien plus qu’un simple choix personnel.