Dans les marchés de Yaoundé, une course quotidienne oppose vendeurs de trottoirs et agents municipaux, appelés « Awara » : un affrontement constant entre survie et légalité qui freine l’activité de ces commerçants.
Il est environ 11h lorsque qu’une course folle éclate au marché d’Atangana Mballa. De part et d’autre, les commerçants ambulants accompagnés de leurs brouettes cries de peur en courant : « Voici les Awara, fuyez ! ». C’est ainsi que les bordures de route reliant Mvog-mbi à la station-service, à Atangana Mballa se vident. Là où chaque centimètre de trottoir servait de point de vente, ne reste plus que le bitume nu, prêt à accueillir piétons et véhicules. Ce ballet de fuite est devenu, ici, presque un rituel quotidien. Les agents municipaux, surnommés « Awara », incarnent la main ferme de la mairie. À bord de leurs imposants fourgons noirs, ils sillonnent les marchés, appliquant la loi sans détour. Leur mission : faire respecter la réglementation et libérer les voies publiques.
Et sur ce point, leur efficacité est indéniable. Partout où ils passent, les trottoirs sont dégagés, la circulation s’améliore, les encombrements se dissipent. Mais ce retour à l’ordre a un prix. Pour les vendeurs ambulants, ces agents municipaux sont devenus une véritable hantise. La présence de ceci est redoutée non seulement pour les saisies de marchandises, mais aussi pour les traitements parfois jugés brutaux. Selon certains commerçants, ces interventions se font souvent sans dialogue. « Nous ne sommes pas en règle, oui, c’est pourquoi l’on nous expulse. Mais ils doivent aussi comprendre que la vie est difficile. Si chaque jour je fuis, je ne vais plus vendre », confie Rostand, vendeur de vêtement, en colère.
Malgré la descente faite ce jour, la même scène se répète. À peine deux heures après le passage des agents municipaux, les vendeurs reprennent place, comme si de rien n’était. Interrogé après la scène, Dayard, un jeune vendeur de pommes, ayant vécu la scène et tenant fermement sa brouette, partage son désarroi : « Je ne sais pas qui ils sont vraiment. Mais dès qu’on entend Awara, on court. » Comme lui, ils sont nombreux à jouer au chat et à la souris avec les agents municipaux. Conscients du risque mais contraints par la nécessité, le manque d’emplois et le chômage, ils continuent leur activité interdite. Ainsi, la frontière entre légalité et nécessité est mince. Ainsi, l’objectif de la mairie est clair : moderniser la ville, assainir les espaces publics et instaurer une discipline urbaine. Mais sur le terrain, cette volonté se heurte à une réalité sociale bien plus complexe. Ce commerce illégal est devenu un refuge pour ceux que le système économique a laissés de côté. Face à l’absence d’emplois et de perspectives, les marchés de rue offrent un minimum vital. Pris entre le marteau de la loi et l’enclume de la pauvreté, les vendeurs n’ont souvent d’autre choix que de braver l’interdit. Quitte à tout perdre face aux Awara