Dans une agence située au quartier Mvan à Yaoundé, une poignée de jeunes garçons, visiblement en âge scolaire, sillonnent les allées avec dextérité. Ce sont les chargeurs saisonniers, ces jeunes vacanciers devenus travailleurs des agences le temps des congés.
À peine descendu d’un taxi, M. Yoki, père de famille avec trois enfants et quatre valises, est aussitôt encerclé par deux adolescents en tee-shirts usés. L’un s’avance avec assurance: « Bon papa, on vous aide à porter ? C’est pas cher ! » Sans attendre la réponse, ils s’emparent des sacs, direction le quai de départ. Pour Jules, 17 ans, élève en classe de Première au lycée de Minkan, les vacances sont une occasion de « se débrouiller un peu ». « Je viens ici tous les jours depuis le début des congés. Je peux gagner entre 3 000 et 5 000 francs par jour si je suis rapide. » Un business qui repose sur l’énergie, la rapidité, mais surtout la patience.
Un métier improvisé mais structuré
Même s’il ne s’agit pas d’un travail officiel, les rôles sont bien répartis. Certains s’occupent des bagages, d’autres nettoient les allées, et d’autres encore guident les clients vers les guichets. Et gare à celui qui veut « sauter la ligne » ou « voler » un client à un autre chargeur. « Il y a des codes entre nous », explique Donald, 19 ans, habitué des lieux. « Celui qui arrive avec un client le garde. Si quelqu’un te double, on peut l’exclure du groupe. » Le port d’un badge n’est pas nécessaire, mais quelques agences, comme General Voyages, ont commencé à réguler ces pratiques, exigeant parfois des fiches d’identification ou une autorisation parentale. « On les tolère parce qu’ils aident vraiment les clients, surtout les femmes seules ou les personnes âgées, » explique Boris, contrôleur d’agence. Mais parfois, certains exagèrent, réclament des sommes folles ou sont un peu trop insistants. Pour la majorité, cette activité n’est pas un luxe, mais une nécessité. Beaucoup viennent de familles modestes et espèrent économiser pour la rentrée.
D’autres veulent juste avoir de quoi s’acheter des vêtements ou aider à la maison. « C’est mieux que de rester au quartier à ne rien faire. Ici au moins, je gagne de quoi manger et je ne dérange personne », renchérit Donald. Mais le revers du décor est bien présent : pas d’assurance, pas de pause réglementaire, parfois des altercations avec des chauffeurs ou des clients mécontents. Des ONG locales tirent la sonnette d’alarme sur l’encadrement de ces jeunes. Pour elles, cette activité expose les adolescents à divers dangers : exploitation, fatigue extrême, voire glissements vers la délinquance. « Il faut que ces jeunes soient protégés et reconnus dans une forme de stage ou d’emploi temporaire encadré », suggère Mme Ewane, éducatrice sociale. En attendant, les agences continuent de vibrer au rythme des vacances. Et ces jeunes chargeurs, armés de courage et de sourires, poursuivent leur ronde, valise après valise, comme pour repousser l’ombre de l’oisiveté. Les vacances, pour eux, ne riment pas avec plage ou jeux. Elles sonnent plutôt comme une course contre la pauvreté.