Longtemps jugés désintéressés, les jeunes ont pourtant marqué le scrutin du 12 octobre par leur forte présence dans les bureaux de vote.
Sur l’ensemble du territoire national, on les a vus, carte d’électeur en main, déterminés à ne plus rester spectateurs d’un système qu’ils disent vouloir changer. À Bonaberi, quartier de Douala, Brice Bell Koum, 30 ans, a fait le déplacement comme à chaque élection. « J’ai toujours eu à voter, parce que c’est mon devoir de citoyen. Nous méritons le changement de dirigeants. Que les résultats des urnes soient respectés, tout simplement », affirme-t-il, confiant.
Pour lui, la régularité du vote est une manière de tenir la démocratie éveillée. Pour d’autres, le geste relevait d’un souci de contrôle. Cédric, 29 ans, inscrit à E.P. Logpom, explique : « J’étais déjà sur la liste électorale. Au moins, je donne mon vote volontairement, plutôt que quelqu’un d’autre ne le fasse à ma place. » Sa posture est pragmatique : voter pour ne pas céder d’espace à l’opacité. Mais certains ont franchi le pas cette année après une longue hésitation. Comme cet électeur de 29 ans, inscrit à l’école publique de Bastos, qui confie : « Lors des dernières élections, j’étais dubitatif quant à la qualité des opposants.
Cette année, comme beaucoup de Camerounais, je ne supporte plus l’état de déliquescence et de mort cérébrale dans laquelle se trouve le pays. J’ai donc voté malgré le fait que les candidats de l’opposition ne me semblent toujours pas totalement cohérents, mais vaut mieux voter un candidat partiellement cohérent, qu’un parti qui n’a que faire de la cohérence et du développement du pays.
J’espère que mon vote, conjugué à celui des autres, enverra un avertissement aux gouvernants. Nous savons qu’ils ont la main mise sur le système électoral, mais nous n’allons plus nous laisser mépriser et maltraiter sans broncher. » Et puis, il y a ceux qui vivaient leur toute première expérience électorale. Jovial, 23 ans, rencontré au lycée d’Anguissa, confie : « C’était ma première fois de voter et je me sens fier. J’espère juste que notre engouement ne sera pas jeté à la poubelle. On a rempli notre devoir, que les résultats soient transparents. » Sa fierté contient aussi une inquiétude : celle de voir une énergie collective s’évanouir face aux vieux jeux politiques.
Parmi les autres raisons évoquées sur le terrain : l’urgence de l’emploi, la cherté de la vie, l’accès aux services de base. Devoir civique, prudence ou espoir : les jeunes disent la même chose autrement. Leur génération ne veut plus être spectatrice. Elle veut compter, exister. Et si la journée du 12 octobre 2025 n’est qu’un début, elle marque déjà une volonté : celle d’être présente, visible et surtout, actrice de son destin.