Autrefois symbole d’affection et de solidarité, le « voir bébé » se transforme peu à peu, surtout chez les jeunes, en un véritable espace de mise en scène sociale.
Autrefois perçue comme un geste intime et chaleureux, la visite post-natale appelée « voir bébé » incarnait la solidarité familiale, l’amitié ou le respect envers une jeune maman. Le principe était simple : rencontrer le nouveau-né, souhaiter la bienvenue à l’enfant, féliciter les parents et, dans la mesure du possible, offrir un petit présent symbolique : argent, savon, couches ou habits.
Une coutume enracinée dans les valeurs de partage et d’accompagnement. Mais aujourd’hui, la pratique semble se réinventer, surtout dans les milieux urbains et chez les jeunes. L’élan affectif laisse parfois place à la recherche de prestige. Le « voir bébé » devient une vitrine sociale où les apparences prennent le dessus : tenues soignées, billets flamboyants, cadeaux luxueux et selfies immortalisés sur les réseaux. « Si tu vas voir bébé avec 1 000 FCFA aujourd’hui, on te regarde mal. Il faut au moins 5 000 ou 10 000 FCFA pour qu’on dise que tu es quelqu’un », témoigne Cynthia, une jeune femme. Dans la tradition, cette visite se faisait dans un cadre intime, souvent après le septième jour de naissance, selon la disponibilité de la mère.
L’intention comptait davantage que la valeur du présent. Désormais, cette simplicité se heurte à la culture de la démonstration et à la pression sociale. Pour beaucoup, il ne s’agit plus seulement d’honorer une naissance, mais de prouver qu’on « gère », qu’on a les moyens, qu’on appartient au bon cercle. Peu à peu, le geste perd son essence première pour devenir une scène où s’expriment le paraître et la comparaison, transformant un acte d’amour en un test de standing.