La 29e édition du festival Écrans Noirs se poursuit, et ce 22 septembre, le public a découvert le documentaire Sur les traces de Ville Cruelle dans la salle de cinéma du complexe UY1, ex-Canal Olympia. Réalisé par Sarah Dauphiné Tchouatcha, le film retrace l’univers du premier roman de Mongo Beti, Ville Cruelle, publié en 1954 sous le pseudonyme d’Eza Boto.
Le film ne commence pas avec un générique tapageur, mais avec une route rouge de Mbalmayo. La poussière s’élève, le temps semble suspendu, et une voix se met à lire les premières lignes de Ville Cruelle. À ce moment, on comprend : ce documentaire de Sarah Dauphiné Tchouatcha n’est pas une simple enquête littéraire : « C’est une traversée, une remontée des souvenirs, une conversation entre un livre, un écrivain et un pays ».
Les images nous promènent dans Yaoundé et Douala, où les immeubles modernes côtoient les « ombres du passé ». Des visages se succèdent : anciens, chercheurs, proches de l’écrivain, tous porteurs d’une parcelle de mémoire. Les archives en noir et blanc surgissent, ramenant au temps des colons, quand Mongo Beti écrivait sous le pseudonyme d’Eza Boto.
Chaque témoignage s’entrelace à des passages du roman lus en voix off, comme si les mots d’hier éclairaient les cicatrices d’aujourd’hui. Puis le voyage s’élargit : la caméra file en Normandie, glisse jusqu’à Genève. Lettres jaunies, photos, vidéos : on y découvre un Mongo Beti rebelle, incapable de céder face aux injustices. Mais aussi un homme marqué par la solitude, dont la plume fut souvent son unique arme.
Le documentaire a des forces évidentes : sa poésie visuelle, la puissance émotionnelle des textes, et la façon dont il relie générations et continents. Il lui arrive pourtant de se perdre dans ses digressions, de s’attarder trop longuement sur l’analyse au détriment du rythme.
Mais c’est aussi cela, marcher dans les pas de Mongo Beti : accepter des détours, des bifurcations, des « chemins de traverse ». La dernière image reste longtemps en mémoire : une tombe sobre, filmée dans le silence des gens qui l’accompagnent.
Puis la voix qui murmure : « Raconter, c’est résister à l’oubli ». On sort de la salle avec l’impression d’avoir dialogué avec un fantôme bien vivant. Sur les traces de Ville Cruelle c’est « un acte de mémoire ». Et peut-être, un appel lancé aux jeunes spectateurs à ne pas se contenter d’hériter du passé, mais à le porter, à le transmettre.