Le Festival Écrans Noirs 2025 a ouvert ses portes samedi 20 septembre 2025 à Yaoundé avec Fanon, un film de Jean-Claude Barny. Il retrace le parcours de Frantz Fanon à l’hôpital psychiatrique de Blida-Joinville, en Algérie.
Gémissements. Derrière une porte entrouverte, des silhouettes à peine éclairées pendent, presque mortes, chaînes aux poignets ou fixées aux murs. En blouse blanche, Fanon entre, s’arrête, scrute la pièce. Puis dit calmement : « Toutes ces chaînes, on les enlève. » Le plan s’élargit. La lumière du jour inonde la cour, où les patients libérés s’avancent lentement vers le soleil. C’est par cette scène que Jean-Claude Barny ouvre son film Fanon, présenté en ouverture de la 29ᵉ édition du Festival Écrans Noirs.
Le réalisateur martiniquais, déjà connu pour Nèg Maron et Le Gang des Antillais, s’empare de la figure du psychiatre Frantz Fanon, médecin et penseur anticolonial, pour en livrer un portrait. Le récit se déroule entre 1953 et 1956, période pendant laquelle Fanon dirige l’hôpital psychiatrique de Blida-Joinville, en Algérie. Refusant la psychiatrie coloniale, il introduit des pratiques novatrices. Il supprime les chaînes et les mesures coercitives abusives. Il met en place la sociothérapie et la psychothérapie institutionnelle. Il adapte également les soins aux cultures et traditions locales : fêtes, musique, café maure.
Enfin, il améliore les conditions de vie des patients, qu’il considère comme des sujets et non comme des objets de traitement. Pour Fanon, soigner, ce n’est pas seulement prescrire des médicaments, mais « réinscrire l’individu dans sa dignité humaine et sociale ». Le film illustre cette approche, qui relie santé mentale et lutte contre l’oppression coloniale. Alex Descas incarne un Fanon déterminé, parfois en tension entre sa vocation médicale et l’appel pressant de la révolution.
Barny filme un homme traversé par les contradictions de son époque, mais animé par une conviction : « l’aliénation n’est pas seulement psychiatrique, elle est aussi politique ». En choisissant Fanon pour ouvrir le festival, les Écrans Noirs rappellent la puissance du cinéma quand il interroge la mémoire collective. Le film dialogue avec notre présent, où la question des héritages coloniaux et des aliénations modernes reste brûlante.
En libérant ses patients des chaînes, Fanon libère aussi un geste qui semble presque oublié aujourd’hui : rappeler que toute guérison commence par la reconnaissance de l’humanité de l’autre.