Les jeunes enchaînent de nos jours des formations, collectionnent certificats et attestations, parfois sans cohérence avec les besoins du marché de l’emploi. Résultat : une accumulation de documents qui ne garantit pas toujours une insertion professionnelle réussie.
La « diplomite » est cette obsession à accumuler les titres scolaires. Le diplôme, souvent perçu comme un passeport pour la réussite sociale est un symbole de respectabilité, un sésame attendu pour accéder à une vie meilleure. Dans les universités, instituts privés ou centres de formation, l’engouement est visible. « J’ai une licence en biologie, un master en Foresterie et aménagement des sols et un certificat en entrepreneuriat. Pourtant, je suis toujours sans emploi stable », confie Christian Essambile, 32 ans, videur dans une boîte nuit à Yaoundé.
Comme lui, de nombreux jeunes se lancent dans des formations successives, souvent sans cohérence ni stratégie, dans l’espoir qu’un papier supplémentaire fera la différence. Mais le marché de l’emploi ne suit pas. Les entreprises recherchent des profils opérationnels, adaptables, dotés de compétences pratiques. Or, le système éducatif camerounais reste majoritairement théorique. « On forme des diplômés, pas forcément des professionnels », observe Dr François Feuzeu, sociologue. Aussi, le développement d’un business autour des formations rapides et des diplômes « faciles » croît.
Certains établissements, parfois non agréés, profitent de cette soif de certification pour vendre du rêve. Des certifications non reconnues circulent, souvent sans valeur réelle. « J’ai payé 250 000 FCFA pour un diplôme d’architecture. Trois ans plus tard, je découvre qu’il n’a aucune reconnaissance officielle », regrette Alex Ekoume, 30 ans. Face à cette situation, plusieurs experts appellent à repenser la formation. « Il faut valoriser les compétences, l’expérience, l’apprentissage pratique. Un bon soudeur ou un bon développeur web a plus de chances d’être recruté qu’un détenteur de trois diplômes sans savoir-faire concret », renchérit le sociologue. Il plaide pour un système qui privilégie la qualité à la quantité.
La diplomite, au-delà d’un simple engouement, traduit une profonde crise de confiance dans le système et dans les politiques d’emploi. Tant que le diplôme restera un objectif en soi, et non un moyen vers une compétence réelle, de nombreux jeunes continueront d’empiler les titres, pendant que leur avenir professionnel stagne.