De plus en plus de jeunes s’intéressent à l’entrepreneuriat, une dynamique souvent perçue comme un simple refuge face au chômage.
À 28 ans, Frida, diplômée en gestion depuis trois ans, vend des beignets et du jus naturel au quartier Ekounou. « J’ai cherché du travail pendant deux ans, sans succès. C’est en voyant une voisine faire ses petits gâteaux que j’ai décidé de lancer mon activité », confie-t-elle. Comme elle, nombreux sont les jeunes qui, après avoir cogné aux portes d’entreprises sans réponse, choisissent de créer leur propre activité.
Selon le ministère des PME, plus de 40 000 entreprises individuelles ont été créées entre 2020 et 2024. Pour certains observateurs, ce boom entrepreneurial est une conséquence directe du désengagement de l’État en matière d’emploi. « On assiste à un entrepreneuriat de survie plus qu’à un entrepreneuriat de conviction », analyse Gérald Tamba, sociologue. « Beaucoup de jeunes n’ont pas les compétences, ni l’accompagnement nécessaire, mais se lancent parce qu’ils n’ont pas le choix ».
Une réalité confirmée par le nombre élevé de micro-entreprises qui ferment après moins de deux ans d’activité. Le gouvernement a mis en place plusieurs initiatives comme les Centres de Développement de l’Entrepreneuriat, les guichets PME ou encore le Programme d’Appui à la Création d’Emplois Ruraux (PACER).
De leur côté, des structures privées et ONG accompagnent les jeunes porteurs de projets. Mais les défis restent nombreux parmi le faible accès au financement, la fiscalité lourde, le manque de formation en gestion, l’absence de protection sociale… « Je paie les impôts comme une grande entreprise alors que je vends juste des vêtements en ligne », se plaint Kevin, commerçant « Et pourtant, je ne gagne pas encore assez pour vivre décemment. »
La tentation du paraître
Sur les réseaux sociaux, le phénomène entrepreneurial se confond parfois avec le culte de l’image. Certains jeunes lancent des marques sans réels modèles économiques, misant tout sur l’apparence. « L’entrepreneuriat est devenu une posture sociale », note Patricia Ndom, coach en insertion professionnelle. « On ne veut plus être vu comme chômeur, alors on crée une page Instagram et on devient “CEO” d’un jour. »
Malgré ces dérives, les PME représentent aujourd’hui près de 90 % du tissu économique camerounais. Elles créent de l’emploi, dynamisent les quartiers, valorisent les savoir-faire locaux. « J’emploie aujourd’hui trois jeunes comme moi », se réjouit Roger jeune mécanicien à Carrossel. « On ne gagne pas des millions, mais au moins on travaille. » Les PME illustrent à la fois l’ingéniosité des jeunes Camerounais et les limites d’un système économique peu inclusif.
Pour que l’entrepreneuriat soit plus qu’un refuge temporaire, il faudra renforcer la formation, faciliter l’accès au financement, alléger les procédures fiscales et surtout valoriser le travail bien fait. Car entre passion, urgence de survie et pression sociale, le rêve entrepreneurial camerounais mérite mieux qu’un simple effet de tendance.