L’opération « Yaoundé Intra Muros sans nids de poules » constitue une aubaine pour de nombreux jeunes qui y voient le moyen d’amasser des sous.
Sur le terrain, la jeunesse est à l’œuvre. Casques vissés sur la tête, gilets réfléchissants sur le dos, bottes et pelles à la main, ils sont nombreux à s’activer sur les axes en chantier. Issus pour la plupart de quartiers populaires comme Nkolndongo, Elig-Edzoa ou Mballa II, ces jeunes sont aujourd’hui employés temporairement par les entreprises Razel et Cmec, adjudicataires des travaux. Le vacarme des pelles, des compacteurs et des marteaux-piqueurs a, par endroits, remplacé le bruit habituel des klaxons et des cris de moto-taximen. Depuis le lancement de l’opération « Yaoundé Intra Muros sans nids-de-poule », initiée par le Ministère de l’Habitat et du Développement Urbain (Minhdu), en collaboration avec la Communauté Urbaine de Yaoundé (CUY) et les communes d’arrondissement, visant à réhabiliter une trentaine de tronçons abîmés de la ville, les trajectoires de nombreux jeunes se redessinent.
L’opération constitue une source d’emploi temporaire pour des centaines de jeunes enrôlés comme ouvriers par les sous-traitants chargés des travaux. « Je fais partie d’une équipe qui travaille sur le tronçon Montée SNI-Avenue Germaine. Ce n’est pas un emploi de rêve, mais ça me donne un peu de souffle. Et je me sens utile », confie Rodrigue, 23 ans. Les contrats proposés varient d’un à trois mois, renouvelables selon l’évolution des chantiers. Si les rémunérations, de 3 000 à 10 000 FCFA par jour, restent modestes, elles représentent une véritable bouffée d’oxygène pour de nombreux jeunes souvent confrontés au chômage chronique. Pour les entreprises, faire appel à cette main-d’œuvre locale permet non seulement d’accélérer les travaux, mais aussi de contribuer à un équilibre social. « Nous recrutons des jeunes dans les quartiers voisins pour renforcer nos équipes. C’est à la fois pratique et responsable », explique un encadreur rencontré sur le tronçon en réhabilitation à Ekounou-Coron.
Si l’initiative séduit, certains y voient néanmoins une réponse ponctuelle, insuffisante face aux problèmes structurels d’emploi chez les jeunes. « C’est bien d’offrir des opportunités, mais il faut penser à la suite. Que deviendront ces jeunes après les travaux ? », s’interroge Carole, mère de famille. D’autres, comme Josué, 27 ans, y voient un tremplin : « Si je montre que je suis sérieux, peut-être que l’entreprise me gardera ou me recommandera ailleurs », espère-t-il. Au-delà de l’impact social, la réhabilitation des nids-de-poule ambitionne une amélioration tangible de la circulation dans la capitale. Ces crevasses étaient devenues un véritable cauchemar pour les automobilistes et les mototaximen, provoquant ralentissements, accidents et usure prématurée des véhicules. Jean-Pierre, chauffeur de taxi depuis 12 ans, salue l’opération : « Ce qu’ils font là, c’est très bien.
On en avait marre de zigzaguer entre les trous. Si ça peut durer, c’est toute la ville qui va respirer. » L’opération « Yaoundé sans nids-de-poule » est aussi perçue comme une reconquête symbolique de l’espace urbain par ses habitants. Les riverains, témoins quotidiens des travaux, y voient un signe de considération de l’État. Certains vont même jusqu’à participer volontairement au nettoyage ou à la surveillance des abords des chantiers. Reste à savoir si cette dynamique d’inclusion socio-économique autour d’un projet d’infrastructure sera reproduit à plus grande échelle. Pour l’heure, la trentaine de tronçons à réhabiliter n’est qu’un début. Mais elle porte déjà les germes d’une possible convergence entre développement urbain et emploi des jeunes. Et si, à défaut de goudronner l’avenir, cette opération permettait au moins d’en tracer les premiers sillons ?