Entre ignorance générale et incivilités routières, cette journée mondiale passe au rouge dans l’esprit des usagers.
Ils clignotent sans relâche au carrefour de la Poste centrale, en plein centre-ville de Yaoundé ce mardi. Vert, orange, rouge. Eux, ce sont les feux de signalisation. Ce 5 août, à l’occasion de leur journée mondiale, leur présence semble aussi ignorée que la date qu’ils devraient incarner. Il est 10h22. Le feu passe au rouge. Une à une, les voitures ralentissent, s’alignent, patientent. Tout semble fonctionner comme il faut.
Puis, sans prévenir, une voiture grise quitte la file. Elle s’avance. Dépasse les autres. Franchit la ligne. Et grille le feu. Ce geste, « banal », ne choque personne. Aucun agent en vue, aucune interpellation de la part des usagers. Le feu repasse au vert, la circulation reprend comme si de rien n’était. Peu d’usagers semblent accorder de l’importance à ces signaux lumineux.
On les voit, on les ignore, ou on s’y conforme par intermittence selon l’humeur ou l’urgence du moment. À la simple évocation de cette journée, les réactions vont de l’étonnement aux rires. « Ah bon ? Il y a une journée pour ça ? » S’exclame Clément Meyep, conducteur de taxi, surpris. Il ajoute, un brin moqueur : « Qui a créé ça ?» Même ton du côté de Vanessa, piétonne rencontrée au niveau du boulevard du 20 mai, « Honnêtement, je n’en ai jamais entendu parler.
On a créé ça quand ?» Le constat est sans appel : parmi la dizaine d’usagers interrogés (piétons, motocyclistes, automobilistes, vendeurs à la sauvette), aucun n’était au courant de ce 05 août se célèbre la journée internationale des feux de signalisation. Et tous s’accordent sur un point : le non-respect des feux est devenu un comportement banal, parfois même « nécessaire » pour se frayer un chemin dans un trafic désorganisé. « Parfois on n’a pas le choix.
Quand il les y’a des bouchons pendant 40 minutes et que tu vois enfin une ouverture, tu ne vas pas t’arrêter pile au feu rouge. Pire encore quand tu as des choses à faire, les feux de signalisation ne vont pas assister à mes réunions », justifie Hassan Badji, entrepreneur. Les feux sont censés réguler la circulation, mais à Yaoundé comme dans bien d’autres villes camerounaises, ils peinent à jouer pleinement leur rôle.
Entre pannes fréquentes, coupures d’électricité et absence de signalisation dans certains carrefours, l’infrastructure elle-même montre des failles. Un agent de police rencontré à l’avenue Kennedy, sous anonymat, avoue : « Il y a des carrefours où les feux ne fonctionnent plus depuis des années même. On doit intervenir manuellement pour fluidifier la circulation. Même là c’est un autre défi parce que tout le monde est pressé, personne ne veut attendre ».
Même là où les feux sont en état de marche, le réflexe de les respecter s’estompe. Selon les statistiques de la Délégation Générale à la Sûreté Nationale, un grand nombre d’accidents de la route en milieu urbain sont liés au non-respect du code de la route, feux de signalisation compris.
Pourtant, très peu d’initiatives publiques sont visibles aujourd’hui pour remettre en lumière le rôle de ces dispositifs. La Journée mondiale du 5 août aurait pu être l’occasion de lancer une campagne nationale de sensibilisation, d’impliquer les chauffeurs de transport en commun, la moto-taximen… Mais en dehors des sites spécialisés sur les journées internationales, aucune communication n’a été faite sur le plan local.